Nocturne, op. 190 | Kammermusikführer - Villa Musica Rheinland-Pfalz

Ferdinando Carulli

Nocturne, op. 190

Nocturne, op. 190

Besetzung:

Werkverzeichnisnummer: 3089

Satzbezeichnungen

Introduktion. Largo – Alla Polacca – Largo – Alla Polacca

Erläuterungen

2003
FERNANDO CARULLI
Nocturne, op. 190

Der Neapolitaner Carulli war neben seinem Landsmann Mauro Giuliani und dem Spanier Fernando Sor der dritte große Gitarrenvirtuose der Romantik. Während Giuliani in Wien wirkte, hatte Carulli sich Paris als Wirkungsstätte auserkoren und blieb dort bis um 1830 der unangefochtene König des Instruments. Carulli wurde im selben Jahr wie Beethoven geboren, hat es jedoch bis zu seinem Tod 1841 auf etwa die dreifache Anzahl von Werken gebracht, die fast alle der Gitarre gewidmet sind. Die Auswahl an Unterhaltsamem für eine romantische Matinee fällt von daher leicht.
Das Nocturne, op. 190, ist ein launiges Stück aus den frühen 1820er Jahren. Es wechselt zwischen langsamen, gesanglichen Abschnitten und einer virtuosen Polonaise hin und her, wobei sowohl der Geläufigkeit des Flötisten als auch der Akkordfülle und pikanten Brillanz der Gitarre genügend Raum zur Entfaltung bleibt.

Ferdinando Carulli
La vie – Le maître – Le compositeur – Le contexte musical

Carulli, qui est-ce ?

C’est ce que nous ont répondu, paraphrasant le manzonien Don Abbondio, la plupart de nos amis qui ne manquent pourtant pas de culture musicale, quand nous leur avons dit notre intention d’enregistrer quelques-uns des morceaux de ce compositeur napolitain. Sur les raisons du peu d’intérêt pour la musique de chambre écrite entre les XVIIIe et XIXe siècles, nous nous sommes longuement et souvent interrogés sans trouver de réponses adéquates sinon dans l’ennui généré par la substantielle identité entre l’expressivité intrinsèque qui émane de cette musique et le stéréotype, employé abusivement, d’une méditerranéité italienne. Il est certain que, sans vouloir recourir à des comparaisons fracassantes et franchement hors de propos, on ne peut ignorer, dans la musique de ce programme, l’absolue dignité d’expression, la remarquable richesse de composition et au-delà une grande et immédiate émotion, confirmée du reste, en de nombreuses occasions, quand, lors de différents concerts, nous l’avons soumise au jugement du public. Giorgio Sasso

La Vie
    
Ferdinando Carulli, né à Naples le 10 février 1770, d’un père homme de lettres et secrétaire à l’administration de la ville, reçoit les premiers rudiments de musique d’un curé qui lui enseigne le violoncelle. Il apprend la guitare en autodidacte, car à Naples il n’y a pas de professeur qui puisse l’initier à l’art de cet instrument. Cette obligation de se forger tout seul une technique et d’écrire de la musique pour la guitare est pour lui un atout considérable. Il devient très vite un concertiste brillant parmi les plus appréciés de son temps. Il existe des traces de concerts donnés en Italie à Livourne en 1801 et à Naples en juin 1805. Il séjourne à Vienne en 1807, puis découvre Paris en avril 1808. Suite au succès remporté en France, il décide de s’y installer. Vingt-six ans plus tard, François-Joseph Fetis, dans la Revue Musicale du 26 janvier 1834, profite d’une critique à propos d’un concert de Marco Aurelio Zani de Ferranti pour évoquer l’intérêt que F. CARULLI réussit à susciter lors de son arrivée à Paris, même auprès des professionnels :

„ Je me souviens que les premiers jours où Carulli alla se fixer à Paris, il vint un soir dans une maison où je me trouvais avec Dussek. On faisait de la musique, et l’illustre pianiste ravissait son auditoire par le charme de son talent. Carulli avait apporté sa guitare et lemaître de la maison crut devoir, par politesse, le prier de se faire entendre, ce qu’il fit bravement après que Dussek eut quitté le piano. Tout le monde d’abord le trouva bien hardi, pour ne rien dire de plus ; mais bientôt, il sut intéresser parce que ce qu’il faisait était nouveau alors. Quand il eut fini, Dussek, qui avait pris beaucoup de plaisir à l’entendre, lui dit : Monsieur, vous êtes un grand artiste. „
    Dans la capitale française, F. Carulli devient très rapidement l’homme à la mode : incontournable comme professeur, applaudi comme concertiste et irremplaçable comme compositeur. Tous les guitaristes, amateurs ou non, ont sa musique à leurs programmes et le sollicitent à composer toujours davantage (au catalogue, on compte de nos jours plus de 360 Oeuvres : la Fantaisie et variations pour la guitare porte le n° d’opus 366 et il n’est pas rare de retrouver encore certaines pièces inédites). Avec F. CarullI, l’écriture pour guitare s’enrichit de toutes les formes connues, Solo, Variations, Ouvertures, et s’élève au rang de celle des autres instruments par un grand nombre de compositions privilégiant les formations de chambre telles que Duos, Trios, Concerti. Pendant les dernières années de sa vie, d’autres guitaristes s’affirment à Paris et viennent en quelque sorte estomper sa notoriété. Désappointé, il se consacre alors essentiellement à l’enseignement, à son domicile, 24 Rue d’Artois, et meurt au mois de février 1841.

Le Maître
    F. Carulli énonce sa technique dans la Méthode complète, op. 27, éditée en 1810 par Nicolas-Raphaël Carli. Le Maître définit l’accord de la guitare tel qu’on le trouve de nos jours et préconise le tabouret pour soulever le pied gauche, ce qui permet d’être en contact harmonieux avec l’instrument et d’assurer ainsi aux mains une libre évolution. Il institutionnalise l’alternance du majeur et de l’index de la main droite pour les traits en notes conjointes, ainsi que l’utilisation de l’annulaire sur la chanterelle pour les arpèges et accords de quatre sons. Étant donné qu’au début du XIX e siècle, ceux qui pratiquent la guitare sont pour la plupart des amateurs ayant un niveau assez limité, F. Carulli tient compte de cette clientèle. Il évite d’insérer dans sa Méthode des données techniques trop poussées, qui risqueraient d’en compromettre la vente, et décide, très astucieusement, de la présenter en deux parties.
    Dans la première partie, il expose les principes abordables par tous les amateurs, à l’appui de morceaux très plaisants (les op. 61, 71, 124, 192, 195 et 270 à caractère pédagogique, publiés successivement, suivent cette même stratégie). Dans la deuxième partie, il présente les outils musicaux ainsi que la mécanique de motricité appropriée aux mains, que l’amateur averti ou le guitariste compétent doit posséder. Agissant de la sorte, il fait plaisir à un large public, tout en offrant aux plus exigeants la possibilité d’évoluer.
    Malgré le succès de la Méthode complète, opus 27, considérée comme la meilleure, ce qui l’incite à en publier quatre éditions, traduites en italien et en allemand, F. Carulli se trouve confronté à la concurrence de nouveaux professeurs qui s’affirment à Paris (tels que Francesco Molino, Dionisio Aguado, Matteo Carcassi et Fernando Sor) et au besoin de satisfaire un niveau instrumental plus élevé qui exige une méthodologie plus variée. Dans le souci d’actualiser son enseignement et de conserver son public, il fait pression, par l’intermédiaire du contrat le liant encore à son éditeur, pour obtenir la publication de l’opus 241. Malgré l’estime réciproque qui l’unira à Nicolas-Raphaël Carli, jusqu’à la mort de ce dernier (15 avril 1827), la publication de cet ouvrage suscite entre eux quelques polémiques sur l’opportunité de le publier en tant que cinquième édition de la célèbre Méthode complète, op. 27. Finalement, la Méthode complète pour parvenir à pincer de la guitare, opus 241, voit le jour entre 1825 et 1826. Même si dans sa lettre ouverte aux „amateurs et professeurs de guitare“ (introduction de l’opus 241), l’éditeur précise d’accepter la publication de l’ouvrage, tout en laissant „subsister la quatrième édition – qui sera toujours le [opus] numéro 27“, pour éviter ainsi des confusions méthodologiques et des éventuelles répercussions commerciales néfastes, la décision de F. Carulli d’insister pour qu’on publie l’opus 241 en tant qu’ouvrage indépendant a été en réalité très cohérente et courageuse. Effectivement, entre la première édition de l’opus 27 de 1810 et celle de l’opus 241, environ seize ans se sont écoulés, qui ont permis au Maître de constater la validité des principes exposés et d’évaluer l’opportunité d’y apporter des modifications. Il a fait preuve d’une attitude humble et d’une grande déontologie pédagogique en admettant que la didactique évolue inexorablement avec le temps. Et le temps lui a donné raison : à partir de 1897, la maison d’édition italienne Ricordi a publié uniquement la Méthode complète?, op. 241.

Le Compositeur
    F. Carulli, Maître remarquable, est aussi un compositeur complet. Il met en valeur son instrument avec des Oeuvres pour guitare seule et un nombre considérable de travaux pour guitare et ensemble de chambre. Deux catégories sont clairement définies : les Oeuvres originales, qui naissent de l’inspiration propre au compositeur ; les transcriptions, qui adoptent toutes sortes d’airs et d’ouvertures d’Opéra ou de mouvements de symphonies. La difficulté instrumentale est déterminée par le genre de „clientèle“ à laquelle la pièce est initialement destinée.
Oeuvres pour guitare seule
    Parmi les innombrables travaux pour guitare seule, L’Orage, sonate sentimentale, vraisemblablement composé entre 1807 et 1817, s’inscrit dans le genre de la musique descriptive, très à la mode pendant les années post-révolutionnaires. F. Carulli a dû interpréter cette Oeuvre particulièrement suggestive dans un concert qu’il a donné en 1810 à la Salle Olympique. La trace est fournie par Les tablettes de Polymnie à propos d’un concert recensé au mois de janvier de la même année :

„ Il vient encore d’enrichir sur toutes les difficultés exécutées jusqu’à ce jour, il faut convenir qu’il joue d’une manière étonnante et que souvent il fait entendre trois parties bien distinctes. „
    Effectivement, dans cette Sonate, trois parties parallèles en tierces ou octaves avec la basse sont fréquemment présentées. De nos jours, ce procédé paraît évident, mais, à l’époque, il représente une nouveauté et, par l’efficacité de l’effet obtenu, F. Carulli suscite l’étonnement et l’admiration de la critique et du public. Si l’on considère L’Orage, sonate sentimentale comme opus portant le numéro 2 (tel qu’il figure, pour le prix de 3 francs, dans la liste des Oeuvres de la collection N.R. Carli publiée en annexe aux Nocturnes pour Flûte, Violon et Guitare, op. 119), il paraît légitime de le placer dans la première période de l’arrivée de F. Carulli à Paris, en 1808.
    Les Trois Solos pour guitare, portant le numéro 76 (il convient de souligner que quelques compositions du Maître sont par-venues sans numéros d’opus), ont donc été composés bien après L’Orage, sonate sentimentale, au moment où F. Carulli jouit d’une grande popularité. L’opus 76 est dédié à Monsieur l’Hoyer. Il s’agit d’Antoine L’Hoyer qui, né en France, enseigne vers 1800 à Hambourg, puis se rend à Paris où il publie plusieurs Oeuvres. En lui dédiant l’opus 76, F. Carulli lui confirme sa considération et son attachement. En rendant un acte d’estime à son collègue guitariste, F. Carulli se met dans l’obliga-tion morale de créer une Oeuvre musicalement à la hauteur. En effet, dès le premier solo, la complexité de l’écriture s’impose au niveau rythmique et technique. Les Trois Solos se trouvent ainsi parmi les compositions les plus importantes de la littérature pour guitare de la première moitié du XIXe siècle.
Oeuvres pour guitare et ensemble de chambre
    Quant aux formations pour plusieurs instruments, le travail de F. Carulli qui détient la place la plus prestigieuse est : Trois Trios concertants pour violon, alto et guitare composés et dédiés à Milord Saltoun par Ferdinando Carulli, op. 103 I, II, III livraison – le mot livraison indiquant la modalité d’édition de l’ouvrage, qui paraît en trois publications séparées. L’intérêt pour les Trois Trios est d’autant plus justifié qu’ils font partie des rares compositions destinées à cette formation. Il est probable que Milord Saltoun demanda expressément à F. Carulli de lui créer une Oeuvre pour ces instruments spécifiques. La préface ajoutée dans la publication est explicite à cet égard :

„ Milord,
Parmi les amateurs de guitare il en est pour qui comme vous sachent par un jeu facile et brillant, par un goût exquis, donner à cet instrument l’âme et l’expression dont il est susceptible.
Je ne puis donc faire paraître sous de plus heureux auspices cette production nouvelle qu’en lui donnant votre nom pour appui.
Si vous daignez l’honneur de votre suffrage, elle ne pourra manquer d’être accueillie favorablement par les connaisseurs.
J’ai l’honneur d’être avec respect Milord.
Votre très humble et très obéissant serviteur
Ferdinando Carulli. „
    La maîtrise instrumentale et les connaissances musicales requises pour leur interprétation font des Trois Trios un ouvrage s’adressant à des musiciens confirmés (Salles de concert). L’opus 103 montre la grande fertilité musicale de F. Carulli pour composer des Oeuvres de haut niveau, dignes de la tradition du violon et de l’alto. Il résulte de l’approche de ses Oeuvres d’ensemble, que F. Carulli adhère pour la flûte à la conception de François Devienne (1759-1803), selon le schéma français n’excédant pas le ré dans la tessiture grave ; la mélodie avance presque uniquement par notes conjointes de préférence dans un registre médium. Les compositions destinées à la flûte peuvent être exécutées par le violon, mais le contraire n’est pas possible. En revanche, le violon est traité selon les critères plus évolués des modèles à la mode de Rodolphe Kreutzer (1776-1831).
Concertos pour guitare et orchestre
    Le répertoire des concertos pour guitare et orchestre composés entre le XVIIIe et le XIXe siècles se révèle assez restreint : sur quatorze Oeuvres dont nous avons connaissance, huit nous sont parvenues dans leur intégralité (quatre de F. Carulli, une de Francesco Molino et trois de Mauro Giuliani), une a été partiellement retrouvée en Italie (fragments du Concerto per chitarra e archi de Luigi Legnani, 1790-1877) et cinq sont seulement citées par François-Joseph Fetis, dans sa Biographie Universelle des Musiciens : un Concerto pour guitare et cordes, op. 16 de Antoine L’Hoyer (v. 1800), un Concerto pour guitare, deux violons et basse par Vidal (à Paris v. 1778-1800) ; un Concerto pour guitare et cordes de Charles Lintant Doissy (?-1807) ; deux Concertos pour guitare et orchestre de Pierre-Jean Porro (1759-1831).
[?]
Le contexte musical
    Pendant que F. Carulli exerce à Paris, la tradition de graveurs de musique de la capitale, leur ouverture aux nouveautés et leur passion pour la musique attirent d’autres nombreux concertistes étrangers. Les mécènes de l’époque leur ouvrent les portes de leurs Salons, très fréquentés par les personnalités de l’aristocratie et de la bourgeoisie, friandes de musique et désireuses d’imiter les prouesses instrumentales de ces nouveaux artistes. Cette situation engendre la parution d’un nombre considérable d’Oeuvres. Déjà en 1802, Stéphanie-Félicité du Crest de Saint Aubin Comtesse de Genlis se plaint de la subordination des compositeurs face à l’attitude des instrumentistes amateurs, ayant de grandes limites musicales et techniques, qui envahissent les Salons et qui prennent la liberté de donner leur avis sur telle ou telle Oeuvre, sur tel ou tel interprète, en les portant aux nues ou, au contraire, en les démolissant sans état d’âme. Vers 1830, Fernando Sor évoque avec amertume la même attitude :

„ Un guitariste très célèbre m’a raconté qu’il avait été obligé d’arrêter d’écrire à ma manière, car les éditeurs lui avaient ouvertement déclaré : – Apprécier les compositions en connaisseur et le faire en tant que marchand de musique sont deux choses différentes ; pour le public, il faut écrire des bagatelles un peu idiotes. J’aime votre Oeuvre, mais si je l’éditais, je ne rentrerais pas dans mes frais. – Alors que faire – Un auteur doit vivre ! „
    Les goûts du public en général, dont les guitaristes amateurs faisaient partie, sont dévoilés sans ménagement dans la Revue de Paris de 1831 :

„ Le public qui n’est pas un artiste mais qui est simplement le public, ne veut pas qu’on fasse de l’art pour l’art ; il veut qu’on le distraie, qu’on lui fasse oublier le budget et les banqueroutes, qu’on l’amuse enfin ; et pour qui sait en trouver le moyen, il a toujours une couronne et son argent tout prêt.“
    F. Carulli avait bien compris cette réalité : les cours de guitare et la vente de ses Oeuvres représentaient l’essentiel de ses revenus. Il savait que pour s’assurer une existence convenable, il devait se soumettre à la demande du marché et les maisons d’édition florissantes à l’époque sollicitaient souvent des pièces simples pour alimenter leurs catalogues.
    Dans la révision du répertoire pour guitare publiée de nos jours par la maison d’édition Suvini Zerboni, le musicologue Ruggero Chiesa s’exprime ainsi dans la préface des compositions de F. Carulli :

„ La qualité musicale présente souvent des déséquilibres déconcertants : à des Oeuvres pleines de bon goût et d’équilibre s’opposent des travaux occasionnels d’un effet facile?“
    La citation traduit une appréciation partagée par la plupart des réviseurs qui se sont occupés de cette même période et qui se confirme au long de la lecture et de l’analyse d’une grande quantité d’Oeuvres de F. Carulli. Pourtant, si l’on s’aperçoit que l’Oeuvre de F. Carulli alterne des pièces d’une grande inspiration musicale, très soignées, créées d’après une commande (op. 103) ou pour ses exigences (op. 76, 104, 109, 118, 119, 137), avec d’autres plus simplistes, jugées occasionnelles (op. 3, 156, 239), qui lui permettent de répondre à une vaste demande commerciale, il faut signaler que même ses Oeuvres les plus simples constituent de nos jours un matériel de travail pédagogique valide, permettant de faire évoluer de jeunes guitaristes et de susciter l’intérêt pour l’instrument. Dans les compositions les plus poétiques de F. Carulli, l’émotion de la mélodie, la délicatesse de l’accompagnement et l’élégance du dialogue vont au-delà du style galant et montrent une veine déjà romantique.
    Pour déterminer le sens du contenu d’une Oeuvre, avant d’émettre des jugements trop restrictifs, il faut prendre des précautions et replacer le compositeur dans son contexte historique et culturel. Les artistes ainsi que les chercheurs qui abordent le répertoire musical de cette période devraient, afin de mieux en saisir l’essence, tenir compte de sa disparité. On peut, en général, observer une distinction entre deux grands groupes de compositions : – les Oeuvres destinées à exprimer une démarche artistique du compositeur, privilégiant une exécution publique dans les salles de concert. – les Oeuvres destinées aux amateurs, à caractère purement commercial, privilégiant une exécution privée entre amis.
    Bien entendu, le premier groupe détermine le sens même d’un répertoire et l’évolution savante d’un instrument. Cependant, pour le cas spécifique de la guitare dans la première moitié du XIXe siècle, le deuxième groupe s’avère être capital, car il alimente le processus de survie et de diffusion du répertoire pour guitare, notamment par l’intermédiaire des Salons. Le lien étroit, historique et culturel, entre la France et l’Italie favorise la venue à Paris de nombreux musiciens de la Péninsule qui approvisionnent ce répertoire et contribuent à fixer les bases de la nouvelle école de guitare.
Les Oeuvres de cet enregistrement
    Les Oeuvres proposées dans cet enregistrement se veulent un exemple des diverses caractéristiques d’écriture de l’époque, notamment pour le rôle attribué à la guitare :
- Les Due Duetti per Viola e Chitarra, op. 137 sont saisis dans une veine d’inspiration originale en dialogue concertant conséquent, donc destinés à des musiciens expérimentés.
- Les Trios per Flauto, Violino e Chitarra, op. 9 n° 2 et n° 3 sont marqués par une invention riche et spontanée. Tout en gardant une priorité mélodique entre la flûte et le violon, la guitare est à plusieurs reprises appelée à y participer. Cette Oeuvre op. 9 est un exemple des pièces charnières abordables à l’époque par les amateurs ayant un bon niveau instrumental (Salons) et par les musiciens confirmés (Salles de concert).
- Les Trois Petits Duos Concertants pour Violon et Guitare, op. 309 sont musicalement simples, mais plaisants. Malgré le titre „Concertant“, la guitare est traitée essentiellement dans son aspect harmonique. L’Oeuvre s’adresse donc aux amateurs dans le cadre des Salons.
- Le Nocturne pour Flûte, Violon et Guitare, op. 119 n° 2 est saisi avec une écriture véritablement concertante. La guitare utilise des gammes, des arpèges et des octaves ; éléments typiques des virtuosi du XIXe siècle.
    En général, dans toutes les compositions de F. Carulli on peut déceler une fantaisie intarissable et un développement mélodique plaisant et lyrique. L’influence du Bel canto de l’Opéra italien est évidente.

Considérations monographiques
    F. Carulli est la première personnalité complète et moderne de l’art de la guitare, car il en a abordé avec succès tous les aspects. François-Joseph Fetis a été le témoin privilégié de son art :
    En tant que Maître, il a conçu une méthodologie cohérente et efficace : „ Il n’y avait point de maîtres à Naples? privé de ressources, il dut s’en créer et faire des recherches qui lui firent découvrir des procédés d’exécution inconnus jusqu’à lui.“
    En tant que Compositeur, il a doté l’instrument d’Oeuvres élaborées en créant un vaste répertoire qui explore toutes les possibilités expressives, du Solo à la formation de Chambre allant jusqu’aux Concerti pour guitare et orchestre : „ Il faut connaître la musique de guitare et avoir entendu les guitaristes de l’époque qui précéda Carulli pour comprendre les progrès qu’il fit faire à l’art de jouer cet instrument.“
    En tant que Virtuose, il a imposé la guitare dans les lieux de concert : „-il s’y fit entendre dans quelques concerts et obtint des brillants succès.“
    En tant qu’Être humain, il a su passionner et initier la société de son temps au nouvel art dont il incarnait toutes les qualités : „ Bientôt il fut l’homme à la mode, comme virtuose et professeur. Ses compositions, remplies des formes nouvelles alors ajoutèrent à sa réputation et furent la seule musique de guitare qu’on joua.“
    Pédagogue, compositeur, concertiste, homme du monde, F. Carulli a insufflé un nouvel élan à la guitare en l’imposant d’abord dans l’ambiance musicale parisienne, puis dans le contexte international.
Umberto Realino
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